septembre 2019
Temps 3 à l’Espace Solidarité Habitat
Récit de rentrée
Les visages des employé.e.s sont bronzés, on se raconte nos vacances.
Nous nous disons avec Carole qu’il leur faudrait plus souvent des vacances tellement leur travail épuise.
Nous reprenons nos marques, avec les employé.e.s, le lieu et leurs habitudes ; les cafés et midis partagés, l’emploi du temps du bâtiment et notre projet.
L’ESH se réveille
« J’ai 400 mails non lus ! »
« J’ai plus de nouvelles de Monsieur... »
« Monsieur G. a eu une offre de logement cet été !! »
« Trop d’expulsés cet été »
Nous relisons d’ailleurs un slogan « Quand certains s’envolent pour les vacances, d’autres atterrissent à la rue. »
Cela nous fait penser à cette action de l’ESH l’été dernier sur la place de la Réunion pour dénoncer les expulsions locatives faites en été.
Et cet été ?
L’ESH se remet en action.
La ruche se remet à bourdonner.
Les croisements à l’accueil,
les personnes victimes du mal-logement entrent et sortent avec leurs questions, peurs, situations, détresses…
Les employé.e.s se pressent dans l’espace, debout, assises, au téléphone, ou s’écartent pour parler au calme dans une autre pièce.
La mémoire de chaque situation des personnes accompagnées leur revient en quelques instants,
Comment ont-elles réussi à couper et profiter de leurs vacances ?
Tout le monde n’est pas encore de retour,
Le standard téléphonique explose,
« 48 appels manqués ce matin »
Les gens accompagnés ne sont pas là par hasard. Ils sont dirigés par les assistantes sociales, les mairies d’arrondissement, peu, ou appellent directement.
Ce sont les permanences téléphoniques, les situations sont traitées, archivées ou réorientées,
et les tableaux sont remplis en parallèle des conversations.
Plus tard un dossier papier de couleur sera peut-être ouvert.
Une décision est prise de commencer un accompagnement.
Chaque cas est unique
mais ici on sert le droit,
on le connait,
on le pratique.
« on va se battre dans un tribunal pas dans la rue »
Chaque histoire est entendue, patiemment.
« Tant que vous n’êtes pas convoqué au commissariat Monsieur, il n’y aura pas d’expulsion.
il y a une grande différence entre l’hébergement et le logement,
non, Monsieur, il faut demander un logement... »
Les ménages apprennent et comprennent, d’étage en étage, les dossiers sont créés,
« Le jugement, Monsieur, c’est votre ligne de conduite, la fiche de route de notre procédure. »
Toutefois les rendez vous ne sont pas systématiques, à partir du moment où la personne est accompagnée, les échanges se font surtout par téléphone.
Depuis mars nous passons du temps dans ce lieu, des immersions, enchainant rencontres et entretiens :
avec les employé.e.s,
le réseau des avocats,
les ménages suivis,
les bénévoles,
et les partenaires associatifs : Soutien Insertion Santé, l’Association Départementale d’Information sur le Logement 93.
Nous apprenons les spécificités autour des droits des parisiens mal-logés, nous apprenons ce qu’est l’Espace Solidarité Habitat.
« Fondé sur l’idée que le droit doit être accessible à tous, l’accompagnement aux droits liés à l’habitat a pour objectif de permettre aux ménages les plus défavorisés et les plus éloignés des institutions de faire valoir leurs droits et de trouver des solutions pérennes à leurs difficultés de logement. »
droits droits droits, ici c’est un mot qu’elles n’ont de cesse de répéter…
Aujourd’hui nous comprenons mieux.
Nous ne pourrons jamais être expertes mais nous pouvons mettre en valeur la parole de ceux qui le sont.
L’Espace Solidarité Habitat apporte son soutien, ce n’est néanmoins pas un espace d’hébergement, mais un lieu d’accueil où l’expertise des chargés de mission, leur bienveillance font de ce lieu du 78-80 rue de la Réunion à Paris un espace de sécurité, de secours, de lien. En 2018, plus de 4000 ménages ont pu bénéficier d’un conseil et/ou d’une orientation par l’ESH.
C’est un lieu « qui se soucie en priorité des plus défavorisés, qui prévient le plus en amont possible les ruptures sociales et aussi associe les personnes à l’évaluation de leurs besoins et à la mise en oeuvre des politiques publiques les concernant…» informations recueillies dans le document Bilans d’actions 2018-Agence île de France...
et c’est justement ce que nous côtoyons quand nous sommes en immersion à l’ESH :
l’écoute se voit,
l’accompagnent se ressent,
l’expertise s’entend.
« L’huissier n’est pas une personne neutre ! »
« Comptez sur moi, on a de la mémoire on sait d'où on vient »
« C’est à quelle heure l’audience de lundi prochain au TI sur le bailleur Airbnb ? »
« C’est illégal, il n’y aura pas d’expulsion ! » le répéter, le re-répeter, encore et encore. Mais les gens ont peur. « Vous ne serez pas expulsés il y a la trêve hivernale ! » (du 1/11 au 31/03) « Pour moi, quand je vois un commandement de quitter les lieux à octobre : c’est bon, c’est laaaarge ! »
« Entre septembre et octobre c’est la folie des expulsions car ils savent qu’il faut expulser avant la trêve hivernale »
« Et vous habitez où maintenant ? »
« Ce qu’il faut, Monsieur, c’est comprendre. »